1808 Aunillon, Pierre, Abbe Aunillon Delaunay de Gue, ambassadeur de Louis XV. pres le prince electeur du Cologne: Memoires de la vie galante, politique et litteraire1

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Une autre maîtresse déclarée de l’electeur, mais d'une condition toute différente, a été en grand crédit, et y était encore de mon temps. Ce crédit est fort tombé depuis la fin de 1746: C'était une fille de la plus basse naissance, et réduite par la misère à aller jouer de la harpe dans les cabarets. Cette fille n'a jamais eu de beauté; un peu de physionomie, plus d'esprit naturel que sa condition n'en comportait d'ailleurs bien faite de taille. L'électeur l'ayant rendue féconde, la maria à un nommé Trogler, employé dans ses chasses et équipages. L'électeur en a une fille d'environ 14 ans, actuellement élevée dans un couvent à Metz. L'électeur a beaucoup fait pour cette femme; elle n'a jamais tenu qu'aux domestiques de confiance du prince; et pendant les premières années de mon séjour à sa cour, il se dérobait encore souvent de ses courtisans pour aller souper chez elle incognito, et elle était de même incognito de tous les voyages de Bruel, et soupait avec l’électeur à sa petite maison / de Folkenloust2, au bout du parc de Bruel, où ce prince se retirait presque tous les soirs avec deux ou trois de ses favoris; savoir: le baron de Roll, son grand écuyer; le baron de Metternik3, espèce de ministre intendant de ses bâtiments, jardins et plaisirs; et le comte de Vérita, chambellan, dont je dirai ici, pour n'y pas revenir , que c'est un italien grand diseur de patenôtres, mangeur de saints, trop bête pour être soupçonné d'hypocrisie, qui partage en second l'honneur de pourvoir son maître de bonnes fortunes très-obscures,ministre subalterne de ses plaisirs cachés et de ses dévotions superstitieuses. On met encore au nombre des favorites de ce prince, la princesse de Nassau; qui a épousé en secondes noces le prince de Hesse-Rottembourg son cousin, et frère de la feue duchesse de Bourbon. C'était, à mon arrivée a la cour de ce prince, celle qui paraissait avoir le plus de crédit, et elle employait tout le manège dont elle était capable, pour retenir l'électeur dans les intérêts de la cour de Viénne; / j'ai eu le bonheur de rompre toutes, ses mesures. Cette princesse est très-bien faite, très-coquette; on ne peut dire qu'elle soit ni belle, ni laide ; mais elle avait de l'enjoue- ment en petite-maîtresse manquée.


Literaturverzeichnis
Aunillon, Pierre , Abbe Aunillon Delaunay du Gue. Paris. Memoires de la vie galante, politique et litteraire. 1808: s.n., Paris. Bd. 2.


1 Fundstelle: BNF, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30039978k am 04.06.2012
2 Gemeint ist „Falkenlust“, Jagdschloss bei Brühl.
3 = Metternich.